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Avortement au Salvador : Teodora Vasquez libérée

Discussion dans 'Féminisme et luttes d'émancipations LGBTQ' créé par ninaa, 17 Février 2018.

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    Avortement au Salvador : Teodora Vasquez libérée, «son innocence doit être reconnue»
    Par Anne Proenza — 16 février 2018 à 20:16
    Une femme condamnée à trente ans de prison après une fausse couche, a été libérée jeudi après que sa peine a été commuée. Elle aura passé dix années derrière les barreaux.

    • Avortement au Salvador : Teodora Vasquez libérée, «son innocence doit être reconnue»
    Elle est libre. Teodora Vasquez, 34 ans, condamnée en 2007 par un tribunal salvadorien à trente ans de prison pour une fausse couche, a été libérée jeudi. Mais au moins vingt-sept autres femmes croupissent encore dans leur cellule pour des condamnations similaires dans les prisons du Salvador, ce pays où non seulement la loi interdit l’avortement sous toutes ses formes, mais où la pression sociale et religieuse est telle que lorsque des femmes arrivent à l’hôpital pour une fausse couche, elles en repartent souvent pour aller aussitôt en prison.

    Teodora Vasquez a passé exactement dix années et sept mois en cellule avant que la Cour suprême de justice n’accepte finalement de «commuer sa peine». L’instance a autorisé sa remise en liberté alors qu’un tribunal avait encore, le 13 décembre, rejeté un recours en appel et confirmé sa condamnation pour «infanticide» (lire Libération du 5 janvier).

    «Vaincre». Une petite foule est venue l’attendre au matin à sa sortie de la prison pour femmes d’Ilopango, à l’est de San Salvador : sa famille, évidemment, les militantes pour la légalisation de l’avortement, et quelques caméras et micros. Sa sœur Cecilia : «Nous sommes tellement, mais tellement heureux.» Teodora Vasquez est repartie, accrochée aux bras de ses parents venus de la région rurale d’Ahuachapán pour l’accueillir, avec son fils de 14 ans, privé de mère depuis tant de temps. Jointe par téléphone, elle nous a assuré d’une voix douce qu’elle lutterait désormais tous les jours pour faire sortir «une par une» ses camarades d’infortune. Treize dans la seule prison d’Ilopango. «Ce n’est une vie pour personne», a-t-elle soupiré. La plupart de ces jeunes femmes sont, comme Teodora Vasquez, issues de familles extrêmement modestes et se retrouvent en prison sans avoir pu se défendre. Certaines ont fait une fausse couche après avoir été violées. Mais face à la pression sociale et religieuse, le personnel médical, la police, la justice les accusent à chaque fois. Dans le meilleur des cas, elles sont poursuivies pour avoir avorté (ce qui est passible de deux à huit ans de prison) et, dans le pire, pour infanticide, à l’image de Teodora Vasquez.

    Bac. Toute à la joie et à l’étrangeté des retrouvailles - son fils si grand, ses parents qu’elle pensait ne plus jamais revoir, ses frères et sœurs, ses nièces -, Teodora Vasquez trouve encore la force de saluer «le soutien et la solidarité venus du monde entier, qui permettent de tout vaincre». Dans les jours qui viennent, elle souhaite rentrer chez elle, avec les siens, et «se mettre à travailler». Elle espère aussi pouvoir aller un jour à l’université afin d’y étudier le droit : elle a passé le bac en prison, elle qui avait arrêté les études en primaire.

    «Nous avons célébré, célébré», a raconté ensuite, émue, Sara Garcia, la coordinatrice politique du Groupement citoyen pour la décriminalisation de l’avortement, une des nombreuses associations qui luttent pour le droit des femmes au Salvador. «Cela nous donne l’espoir de pouvoir faire libérer les autres», s’est-elle réjouie. «Nous espérons d’autres libérations dans les semaines, les mois qui viennent, selon cette même stratégie de commutation de peine», a confirmé l’avocate Ana Cecilia Martinez, qui s’occupe du pôle juridique de l’association. Elle explique aussi que dans le cas de Teodora Vasquez, un recours en cassation a été déposé : «Elle a été privée de liberté pendant près de onze ans pour un délit qu’elle n’a pas commis. Son innocence doit être reconnue, elle doit obtenir des réparations civiles.»

    Intégriste. Employée domestique dans un collège privé, Teodora Vasquez avait accouché dans les toilettes d’un bébé mort-né après un malaise, sans que personne ne lui prête secours. Alertée, la police l’avait conduite à l’hôpital et remise illico à la justice.

    Elle a été libérée, mais le combat est loin d’être fini. «Socialement, le contexte reste très difficile», regrette Me Ana Cecilia Martinez car si le dialogue avec les institutions, et notamment le ministère de Justice, semble avoir progressé, l’opinion publique reste largement défavorable à la légalisation de l’avortement. «La loi entraîne la criminalisation des femmes», déplore l’avocate.

    Auparavant, l’avortement était autorisé dans certains cas au Salvador, mais les réformes du code pénal en 1997, puis de la Constitution en 1999, ont imposé cette vision intégriste. Et il semble si difficile de faire évoluer les mentalités qu’aujourd’hui, les associations se battent pour légaliser dans un premier temps l’avortement dans seulement quatre cas - risque pour le fœtus, pour la femme, viol sur mineur et viol sur adulte. Dans ce contexte, la libération de Teodora Vasquez est d’autant plus inespérée.

    Avortement au Salvador : Teodora Vasquez libérée, «son innocence doit être reconnue»

    Anne Proenza
     
  3. ninaa
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  4. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Avortement au Salvador : une libération relance le débat sur l’interdiction totale
    La Salvadorienne Teodora Vasquez a été libérée jeudi après avoir passé 11 ans en prison pour une fausse couche, considérée par la justice comme un homicide.

    LE MONDE | 17.02.2018 à 03h02 • Mis à jour le 17.02.2018 à 10h21 | Par Jean-Michel Caroit (Saint-Domingue, correspondant)

    [​IMG]
    La libération de la Salvadorienne Teodora Vasquez, condamnée à 30 ans de prison en 2008 pour une fausse couche qualifiée « d’homicide aggravé » par la justice, a relancé le débat sur les législations anti-avortement draconiennes en Amérique latine. Teodora Vasquez a passé dix ans et sept mois derrière les barreaux. Elle a quitté la prison pour femmes d’Ilopango, à 11 kilomètres à l’est de San Salvador, jeudi 15 février après que le Tribunal suprême eut décidé de commuer sa peine « pour des raisons de justice, d’équité et de caractère juridique ».
    En décembre dernier, un tribunal de San Salvador avait confirmé sa condamnation. La Cour suprême n’a pas reconnu son innocence mais a jugé « que les preuves scientifiques ne permettaient pas de déterminer qu’il y ait eu une action volontaire conduisant à la mort de la créature en gestation ».

    Accusée d’avoir tué
    Teodora Vasquez était cuisinière au lycée canadien de San Salvador. Le 13 juillet 2007, enceinte de neuf mois, elle a ressenti de vives douleurs à son travail et a tenté d’appeler à plusieurs reprises le 911, le service des urgences, sans obtenir de réponse. Elle s’est rendue aux toilettes où elle s’est évanouie. Lorsque la police, alertée par un employé du lycée, est arrivée, elle gisait inconsciente au milieu d’une mare de sang avec son bébé mort-né.

    Elle fut immédiatement arrêtée et accusée d’avoir tué le nouveau-né sur la base de rapports d’autopsie contestés par ses avocats et plusieurs organisations de la société civile. Teodora, qui avait un fils de 4 ans au moment de son arrestation, n’a pu le voir que sept fois durant les dix années de son incarcération.

    « La libération de Teodora est un pas important, mais il est insuffisant car il ne reconnaît pas son innocence », a souligné Morena Herrera, animatrice du regroupement citoyen pour la dépénalisation de l’avortement. Selon cette féministe, ancienne guérillera lors de la guerre civile des années 1980, « il est temps d’en finir avec cette situation de criminalisation des femmes ».

    Règles les plus strictes
    En avril 1997, une réforme pénale a interdit toute forme d’avortement au Salvador, y compris en cas de viol, lorsque la vie de la mère est en danger ou quand le fœtus n’a aucune chance de survie. Ces trois exceptions étaient acceptées avant la réforme. En février 1999, un vote majoritaire des députés, y compris 15 des 27 représentants du Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN-ancienne guérilla) a donné une force constitutionnelle à cette interdiction totale de l’avortement.

    La peine prévue en cas d’avortement est de deux à huit ans de prison.

    Les tribunaux qualifient fréquemment les avortements « d’homicides aggravés », passibles de 30 à 50 ans de prison. En novembre 2016, la députée Lorena Peña, du FMLN, a présenté une proposition de loi pour dépénaliser l’avortement en cas de viol, de danger pour la vie de la mère ou pour la survie du fœtus. Cette initiative n’a pas été adoptée et un député de l’opposition de droite a au contraire proposé d’augmenter les peines à 50 ans de prison.

    27 femmes en prison
    A sa sortie de prison, Teodora Vasquez s’est dite déterminée à « poursuivre la lutte » pour obtenir la rapide libération de treize femmes condamnées dans les mêmes circonstances qu’elle. Selon Amnesty International, il reste encore au moins vingt-sept femmes emprisonnées au Salvador en application de la loi pénalisant l’avortement.

    « Il est encourageant de voir Teodora sortir de prison, où elle n’aurait jamais du être, mais le Salvador est encore loin d’assurer pleinement les droits des femmes et des filles », a réagi Erika Guevara-Rosas, la directrice d’Amnesty International pour les Amériques. « Les autorités du Salvador doivent urgemment abolir cette interdiction aberrante de l’avortement qui a créé un contexte de discrimination, de souffrance et d’injustice », a-t-elle ajouté.

    Comme le Salvador, trois autres pays de la région interdisent toute forme d’avortement : le Honduras, le Nicaragua et la République dominicaine. Les puissantes Eglises, catholique et protestantes, s’opposent à toute forme d’assouplissement en dépit des données sur la mortalité des femmes et sur le rôle de la prohibition de l’avortement et de l’éducation sexuelle dans la perpétuation de l’extrême pauvreté chez les femmes.

    Les plus aisées peuvent se rendre à l’étranger. Pour les plus pauvres, les interventions sont souvent dangereuses, sans suivi médical. Dans les pays où la prohibition est totale, s’est développé un marché noir du misoprostol, un médicament contre les ulcères, qui est utilisé sans précaution à des fins abortives. Le comprimé, qui vaut 30 centimes de dollar, est vendu cent fois plus cher sous le manteau au Salvador.

    Avortement au Salvador : une libération relance le débat sur l’interdiction totale
     
  5. ninaa
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  6. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Salvador : «Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre au monde»
    Par Anne Proenza, Envoyée spéciale à San Salvador

    Dans ce pays chrétien, l’IVG est bannie. La suspicion est telle que les avortements, même non désirés, sont dénoncés. Une femme a ainsi été condamnée à trente ans de prison pour avoir accouché d’un bébé mort-né. Ses proches et des médecins se révoltent.

    • Salvador : «Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre au monde»
    C’est une violence faite aux femmes inimaginable. Teodora del Carmen Vásquez est en prison depuis dix ans et a vu sa peine de trente ans confirmée en appel le 13 décembre. Son seul crime est d’avoir accouché d’un bébé mort-né sur son lieu de travail, où on lui a refusé toute aide médicale. Et dans le fond, d’être une jeune femme pauvre. «Dans ce pays, en tant que femmes nous n’avons pas d’autre choix que de mettre au monde, mettre au monde, mettre au monde», résume une jeune militante pour la dépénalisation de l’avortement. Au Salvador, l’avortement est, depuis 1997, interdit sous toutes ses formes. Peu importe que la vie de la femme soit en danger, que le fœtus ne soit pas viable. Peu importe qu’une gamine de 11 ans victime d’un viol soit enceinte. Peu importe aussi qu’une jeune femme débarque, juste après une fausse couche, aux urgences de l’hôpital public saignant abondamment. Dans le doute, de peur d’être ensuite accusé de complicité d’avortement, le personnel médical appellera la police. A moins que ce ne soit la famille ou les voisins, tant le poids de l’Eglise est fort dans ce petit pays de 6 millions d’habitants.

    Lettres de soutien
    La sœur de Teodora, Cecilia, nous reçoit dans sa modeste maison d’un quartier de la banlieue nord-ouest de San Salvador, où elle vit avec ses cinq enfants et son mari. «La famille de l’avorteuse», comme elle le dit elle-même, a quitté il y a près de dix ans son petit village d’Ahuachapán, dans l’ouest du pays, pour se rapprocher du lieu où est incarcérée sa sœur et pouvoir ainsi lui rendre visite au moins une fois par mois. Et aussi pour fuir la pauvreté rurale et les regards trop inquisiteurs.

    Avant de sortir les piles de lettres de soutien à Teodora, en espagnol, parfois en anglais, envoyées par des militants d’Amnesty International, Cecilia ferme la porte de la maison, malgré la chaleur, et se met à parler plus bas. Au milieu des lettres, une photo prise plus récemment, en prison, fait soupirer Camila, 14 ans, Yasmine, 17 ans et Patricia, 20 ans, les trois nièces de Teodora, qui ne l’ont pas vu depuis dix ans : «Elle a vraiment vieilli. Elle était si belle, si jeune, contente, extravertie…» se souviennent-elles.

    A l’époque du drame, Teodora avait 30 ans et était enceinte de son deuxième enfant. Le premier, Gabriel, a aujourd’hui 14 ans et vit avec ses grands-parents. Teodora, travaillait dans un collège privé, à la cafétéria, en tant qu’«interne» : comme nombre d’employés domestiques en Amérique latine, elle dormait sur place, et n’avait l’autorisation, selon sa sœur, de ne sortir qu’une fois tous les quinze jours. Lors de sa dernière sortie, elle avait été agressée violemment en sortant du bus. Au bout de trois jours de douleurs, elle avait demandé de l’aide à la direction du collège, qu’on lui prête de l’argent - 20 dollars - pour prendre un taxi et aller à l’hôpital. Sans succès. Elle s’était réfugiée aux toilettes, s’était évanouie. Lorsqu’elle en est sortie, son bébé était mort. C’est la police qui l’a conduite à l’hôpital.

    Cecilia s’est longtemps persuadée que sa sœur allait sortir de prison en décembre, lors de la révision en appel du procès. Elle espérait déjà qu’elle puisse être accueillie comme réfugiée quelque part - en Suède, disait-elle - pensant qu’il lui serait impossible de refaire sa vie dans son pays. Mais Teodora va rester en prison. Et son fils demeurera privé de mère.

    Teodora n’est pas la seule. Au moins 23 femmes, selon l’Association citoyenne pour la décriminalisation de l’avortement, croupissent actuellement en prison pour des faits similaires. Beaucoup purgent des peines de trente ans car elles sont condamnées pour homicide. La justice les accuse d’avoir tout simplement tué leur bébé, parfois mort-né, après une fausse couche ou un avortement clandestin. Sonia, 32 ans, femme de ménage, raconte ainsi d’une voix douce avoir passé sept ans et cinq mois en prison, après avoir perdu son bébé en accouchant prématurément chez elle : «A l’audience, on m’a annoncé que j’étais condamnée à la peine maximum. Je ne savais pas ce que c’était. Et puis quand on vous dit trente ans et que vous en avez 25, vous vous sentez vraiment mal.» Grâce à l’association, son procès a pu être révisé et elle a finalement été libérée en février 2017.

    «Nous défendons un droit qui est considéré comme un délit dans ce contexte conservateur», explique la pétillante Sara Garcia, 31 ans, coordinatrice politique de cette association qui lutte, dans ce pays hyperreligieux, pour une réforme de la loi et défend les femmes poursuivies par la justice. Jusqu’en 1997 et une réforme du code pénal introduisant l’interdiction totale de l’avortement, celui-ci était autorisé au Salvador sous certaines conditions. Pire : en 1999, une petite phrase a été ajoutée dans l’article 1 de la Constitution salvadorienne, qui stipule que l’Etat «reconnaît comme personne humaine tout être humain depuis l’instant de sa conception».

    «Prisonniers de la loi»
    «Nous sommes un Etat laïc avec une philosophie catholique», s’insurge l’avocat Dennis Muñoz, qui défend depuis plusieurs années ces femmes poursuivies injustement. Plusieurs projets de lois, déposés en 2017, tentent de revenir sur cette vision intégriste. Le premier est porté par Lorena Peña, députée du Front Farabundo Marti pour la libération nationale (parti devenu légal en 1992, issu des ex-guérillas, et au pouvoir depuis 2009), et entend autoriser l’avortement dans quatre cas : quand il y a un risque pour la femme, un risque pour le fœtus, dans les cas de viol sur mineur, ou de viol sur adulte. Le second, plus restrictif, est poussé par Johnny Wright, jeune député de droite, élu sous la bannière de la très conservatrice Alliance républicaine nationaliste, mais en train de former un nouveau mouvement politique. Lui entend autoriser l’avortement en cas de risques pour la femme ou en cas de viol sur mineur. Mais alors que se profilent les élections législatives en 2018, peu de députés ont voulu prendre le risque de soulever ce sujet tabou. Et tant pis si un arrêté de la Chambre constitutionnelle de la Cour suprême de justice recommande à l’Assemblée de légiférer sur le sujet depuis 2007.

    «L’avortement est tout simplement un sujet tabou, stigmatisant dans notre pays», explique gravement le Dr Guillermo Ortiz, ancien chef du service de périnatalogie d’une grande maternité publique, à l’occasion d’un événement inédit au Salvador : le lancement, fin septembre, de l’Union des médecins pour la santé des femmes. Une coalition dont le premier combat est de militer pour la dépénalisation de l’avortement dans quatre cas (risque pour la mère, fœtus non viable, viol sur mineur ou viol sur adulte).

    «Nous sommes prisonniers de la loi», assure pour sa part Saúl Caceres, l’un des trente médecins à l’initiative de cette démarche courageuse. Chef de service à l’hôpital public de San Bartolo, dans un quartier populaire de l’est de San Salvador, il évoque avec émotion le cas récent de cette adolescente de 17 ans violée, ayant perdu, apparemment, un bébé. L’hôpital, dit-il, avait tenté de la «séquestrer» pendant quinze jours, en attendant que la justice vienne faire son enquête… Saúl Caceres est finalement parvenu à la faire rentrer chez elle, malgré le personnel administratif de l’hôpital, mais il ignore si la justice finira par la rattraper.

    Régulièrement, des médecins tentent malgré tout de sensibiliser des membres d’ONG et des «promoteurs de santé» - ces fonctionnaires du ministère de la Santé déployés dans le pays pour améliorer l’accès à la santé aux plus démunis - sur les cas cliniques auxquels ils ne veulent plus être confrontés. Lors d’une réunion devant un parterre de professionnels de la santé, une gynécologue-obstétricienne raconte ainsi plusieurs histoires dramatiques de grossesses extra-utérine ; une spécialiste en grossesses à risque, Carolina Mena, 39 ans, revient, elle, sur les cas de malformation du fœtus, diapositives à l’appui. «Entre juillet 2016 et juillet 2017, il y a eu 295 cas de malformation fœtale au Salvador, soit 24 cas par mois. Et sur ces 24, cinq en moyenne étaient incompatibles avec la vie. Ce n’est pas parce que nous sommes au Salvador que ces cas sont incompatibles, ce serait la même chose dans n’importe quel pays du monde, même dans les pays développés.»

    Suicides d’adolescentes
    Ce jour-là, Rafael Velasquez, «promoteur de santé» depuis onze ans en milieu rural, prend soigneusement des notes tout en affirmant qu’il est contre l’avortement car «on ne doit pas choisir entre une vie et l’autre». Et l’agent Ruth Alegria, dans la police depuis dix-neuf ans, répond en souriant qu’elle est «pour si la vie de la femme est en danger mais contre si c’est le résultat d’un viol».

    «Nous vivons dans un pays où les croyances religieuses pèsent plus que les preuves scientifiques», résume le Dr Mario Soriano, coordinateur du département d’attention aux femmes et adolescentes du ministère de la Santé. Surtout, il déplore l’augmentation des suicides d’adolescentes dont «le détonateur est la grossesse».Au Salvador, plus de 21 000 filles âgées de 10 à 19 ans ont consulté en 2016 parce qu’elles étaient enceintes. Et, comme trop souvent, les populations les plus vulnérables sont les premières victimes de cette loi inique. Dans les milieux aisés, l’avortement reste tabou - morale religieuse oblige - mais possible : dans une clinique privée de San Salvador, à Mexico ou aux Etats-Unis. A condition d’obtenir un visa.

    Anne Proenza Envoyée spéciale à San Salvador

    Salvador : «Nous n’avons pas d’autre choix que de mettre au monde»
     
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