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Nos identités sont-elles politiques?

Discussion dans 'Féminisme et luttes d'émancipations LGBTQ' créé par anarkia ou l'un de ses multicomptes, 12 Novembre 2018.

  1. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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    Claude Guillon ne s'est pas contenté de "défendre" la pédophilie.

    Recherche: Pièces à conviction de Claude Guillon
     
  3. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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    J.K. Rowling: « Ce n’est pas de la haine que de dire la vérité. »

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  5. cyberpxte
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    cyberpxte Membre du forum

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  6. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    La discussion semble être arrêtée, mais je trouve dommage qu'il n'y ait pas eu de réponse suite au gate de JK Rowling de l'été dernier.

    Bon déjà, on aura compris que l'article a été rédigée par une/des TERF (diront les ennemi·es) / "Critiques du genres" (dirons les allié·es). Même si mon avis n'est pas neutre (aucun avis n'est neutre de toute façon), je pense que c'est plus juste de parler de TERF qui signifie "féministes radicales qui excluent les femmes trans" (comme l'indique son acronymes), car le noeud de l'affaire c'est bien les "femmes trans" (leur place dans le féminisme) et les personnes trans en général. Toutes les féministes, qu'importe leur courant, sont "critiques du genre", et ne pas être critique du genre (prendre le genre pour argent comptant, tel quel) c'est ne pas être dans une démarche féministe.

    Ensuite, le contexte: dans cet article, il est simplement question d'une série de trois tweets de J.K Rowling qui aurait déchaîné les foules: pour être plus juste, il faudrait préciser que ça fait plusieurs années que des militant·es se posent des questions sur sa position sur ces questions, car, pour rester sur Twitter, l'autrice a aimé et retweeté plusieurs tweets de militantes TERF. Sa prise de parole s'inscrit donc dans ce cadre là, pour répondre aux militant·es TERF et trans. Ça ne sort pas de nulle part.

    Une fois qu'on a posé ça, le titre de l'article, qui reprend le tweet: "speak the truth" / "dire la vérité".
    De quelle vérité on parle? Outre le fait d'être d'une très grande arrogance ("JE connais et JE dis la vérité, contrairement à vous"), en fait Rowling ici réactive un vieux débat universitaire et militant qui s'était posé dans les années 90 avec les études queer et études trans dans le monde anglo-saxon. En bref, si le sexe et le genre sont des constructions sociales, que reste t-il des femmes (et de leur exploitation)? Comme ce débat a déjà eu lieu, j'invite les curieux·ses à lire sur la réception des trans studies qui répondent à toutes ces questions, qui sont toutes légitimes quand on n'est pas renseigné sur le sujet.

    Pour revenir à l'article:
    C'est exactement ce que disent les activistes queer depuis les années 90: il n'y a rien de strictement naturel, de spontané ou de psychologique dans l'homosexualité, tout est social et culturel... tout comme l'hétérosexualité. L'idée "Born this Way" a pu être une stratégie utile au cours du XXe siècle pour arrêter la criminalisation des personnes homosexuelles et/ou trans ou assimilées comme telles, et ça continue a être posé en ces termes surtout dans le militantisme LGBT institutionnel, accès sur l'égalité des droits.
    Mais ce que disent les queers c'est que l'hétérosexualité et l'homosexualité ont une histoire (situés dans le temps et dans l'espace), qui part du postulat de la différence sexuelle 2 sexes/2 genres. Aujourd'hui, on sait que la "nature" (c'est à dire "la biologie") n'est pas binaire, mais aussi que le social influence et transforme le biologique (et donc l'argument "c'est biologique = c'est naturel" ne fonctionne pas, car "la nature" n'existe pas en soi, l'humain est toujours d'emblée social, le biologique évolue tout le temps, et faire une distinction nette biologique/social, c'est-à-dire nature/culture, est dépassé depuis des décennies en sciences sociales...).
    Que reste t-il des gays et des lesbiennes? Des identités politiques, une histoire des luttes, des cultures sexuelles, une sociabilité, des espace de résistance. Notons aussi ces identités sont nées en Occident, et n'ont rien d'universel (car le système sexe/genre n'était pas (et n'est toujours pas partout) universel).

    Alors déjà ici, visiblement "réel" ça signifie "biologique" - ce qui est problématique comme on vient de le voir, passons.

    Voyons voir ce que ça pourrait donner dans d'autres luttes:
    " Si la classe n’est pas réelle (biologique), dit-elle, la réalité vécue des pauvres dans le monde est effacée. "
    Ou encore
    " Si la race n’est pas réelle (biologique), dit-elle, la réalité vécue des racisé·es dans le monde est effacée. "

    On voit bien que cet argument ne tient pas debout, et qu'aucune lutte pour l'émancipation n'a eu besoin de conserver "la biologie" comme dernier recours (ou pire, comme point de départ!) pour résister. Au contraire, que ce soit du côté du racisme mais aussi sur la lutte des classes, tous ces mouvements se sont tâcher de dé-biologiser leur condition (pour la race c'est clair pour tous·tes, mais on l'oublie peut être mais même "la pauvreté" a pu être vue sous l'angle des gènes, de l'hérédité). La matérialité n'a pas besoin de l'argument biologique pour être considérée.

    Du coup, on comprend mieux ce qui a été dit ici:
    Les "femmes biologiques" sont dans la vérité. Les autres, les "femmes trans" (certaines TERF parleront "d'hommes trans", de "travestis", de "prédateurs sexuels") sont donc dans le mensonge, le déni de la vérité.

    Sur l'argument "femme biologique", on pourrait avancer qu'une femme trans est tout autant biologique qu'une femme cis, la prise d'hormones pouvant donner des taux d'oestrogènes et de progestérone supérieurs à un taux moyen de ces mêmes hormones chez les femmes cis. Et c'est aussi le cas pour d'autres technologies du corps (vu que "le sexe" est défini en général par les hormones, les parties génitales, le cerveau parfois, les chromosomes...).
    Mais comme dit plus haut, je ne pense même pas que l'argument biologique soit nécessaire ni souhaitable, donc je ne vais pas m'étendre plus sur ce point. D'autant plus que s'appuyer sur cet argument reviendrait à forcer les femmes trans à entreprendre un parcours de transition médicale pour être prises au sérieux et rentrer dans la catégorie "femmes biologiques".

    Pour reprendre le raisonnement: "femmes biologiques = femmes réelles" et donc
    "femmes trans = femmes non biologiques = non réels" → donc "réalité des femmes trans = hommes".
    Nier le fait que les "femmes trans" soient des femmes tout court, au même titre que les "femmes cis", est donc transphobe.
    Mais certain·es activistes diront même que c'est anti-féministe, car c'est rejeter certaines femmes du mouvement féministe (tout comme ce serait anti-féministe de rejeter activement les femmes noires, les femmes lesbiennes etc).
    Est-ce que le sujet du féminisme pour lequel on veut lutter est celui d'une femme cis blanche?

    J'espère que ça a éclairci les enjeux du débat si certain·es se posaient des questions.
     
  7. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  8. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    C'est intéressant après ce sont des théories auxquelles je ne crois pas. Je ne ne crois pas qu'on doive résoudre la dichotomie nature/culture en disant que tout est social comme si ce sont les opinions qui faisaient la réalité matérielle. Je pense précisément l'inverse que le social est naturel et matériel, biologique. Sachant que les opinions, celles qu'on a sur notre identité par exemple, sont des échanges électro-chimiques dans nos cerveaux. Les sociétés sont incarnées dans des individus, leurs cerveaux et leurs oeuvres matérielles. Nos pensées sont biologiques, elles sont un phénomène biologique. Je pense que c'est plus par cette démarche qu'on peut réconcilier nature et culture.

    Pour rester plus concrètement dans le sujet, je n'ai jamais été convaincu par la thèse selon laquelle le sexe est une construction sociale (et uniquement ça, encore pire). Ça me paraît un déni de la réalité empirique. Le fait que les critères de différenciation ne soient pas parfaits n'empêche pas qu'il y ait une réalité. Ni que cette réalité tourne autour d'un bimorphisme sexuel.
    Je me suis pas penché de façon hyper poussée sur le sujet, néanmoins les arguments auquel j'ai été opposé ne m'ont pas convaincu du tout.
    Surtout que pour moi les polémiques entre militants trans et féministes viennent aussi de ce que dire que le sexe est une construction sociale revient souvent à dire que le genre ne l'est pas. Si le sexe n'est pas une réalité biologique mais relève d'un consensus social alors les critères biologiques n'ont pas plus de poids que les critères "culturels" dans la définition des sexes. Et pour moi c'est l'effet pervers qui se cache derrière les discours comme quoi on être homme ou femme serait avant tout une question de ressenti : on se sent homme dans un corps de femme ou inversement. Qu'est-ce qui fait qu'on se "sent" homme puisque ce n'est pas son corps qui est celui assimilé au sexe féminin ? J'ai quand même l'impression que souvent c'est justement des questions de genre : on a des goûts socialement attribué aux garçons, des manières de se comporter généralement attribué au sexe masculin, etc...
    Par exemple une connaissance est en transition homme vers femme, la dernière fois elle nous a dit qu'elle voulait un bonnet D car pour c'est ça la féminité. Puis dans plusieurs témoignage vidéo style brut on voit des trans homme vers femme qui expliquent qu'ils se sentaient femme parce qu'ils aimaient se maquiller ou porter des robes... alors que justement, a priori, si on considère que le genre est une construction sociale porter des robes ou se maquiller ne devrait rien avoir à faire avec la notion de sexe.

    Pour le reste je suis assez d'accord. Que l'homosexualité et l'hétérosexualité ont des histoires, même si je pense malgré tout que les deux ont des manifestations biologiques comme je l'ai dit, car les goûts ont des substrats neuronaux.

    Pour ce qui est du "vécu des femmes" je ne sais pas si J. K. Rowling parle spécifiquement d'oppression. Mais le fait d'avoir des règles, la ménopause, de porter un enfant, de sentir son corps se transformer à l'adolescence, ce genre de choses qui sont liés à des phénomènes hormonaux et donc au sexe biologique, c'est peut être de ça qu'elle parlait.
    Puis le parallèle que tu fais avec le racisme ne me semble pas forcément pertinent, on pourrait répondre que les "racisés" comme tu dis sont bien victimes de racisme parce qu'ils ont soit une couleur de peau différente, soit une culture ou une identité nationale différente...
     
  9. Ziggy-star
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    Ziggy-star Membre du forum Membre actif

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  10. plateformiste, internationaliste, auto-gestionnaire, révolutionnaire, gauchiste, veganarchiste
    Je comprends pas vraiment ton argument de la contestation de l'idée de construction sociale dans la mesure où ça veut juste dire que la vie sociale produit des processus de naturalisation induisant assignation de genre, rôles sociaux de sexes et catégorie de perception (idée à laquelle tu sembles adhérer dans tes propos)

    En ce qui concerne plus spécifiquement le point de vue que tu défends : le sentiment d'être à soi n'existe pas.
    Bien que j'adhère en partie à cette thèse d'un point de vue philosophique, je suis pas d'accord. D'abord, s il est possible de rapporter le fait de se sentir femme/homme/autres à une identification biologique ou sociale, je ne pense pas que l'on puisse le réduire à ça. Pour moi il faut prendre en compte ce qui tient à la conception de soi, à ce qui définit ta conscience de ton identité propre (que tu penses que la conscience existe ou non). Donc tu te sens homme/femme/autres de manière relativement indépendante de ton statut social et biologique. Et ensuite, je ne pense pas que la question soit vraiment celle du ressenti mais plutôt des interactions. Tu ne ressens jamais rien de façon autonome mais relativement à ce qui autre à toi (ça correspond à ce que tu dis sur le fait d'être racisé)
     
  11. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  12. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    ça oui j'adhère, mais là on parle du genre. Il me semble que les théories queers, et en tout cas cyberpxte, prétendent également que le sexe lui-même est construit. C'est-à-dire que comme y aurait des intersexes auxquels aucune des deux catégories, homme et femme, ne convient parfaitement, ou des personnes classées comme femmes ayant des taux d'hormones, des morphologies, etc... différents d'autres personnes classées sous le même sexe, que tout ça signifierait que ces catégories ont été construites arbitrairement, ou "historiquement" (mais avec une histoire conduite par les opinions et indépendante, je ne sais pas par quel miracle, de la réalité biologique).
    Et donc, effectivement comme le dit J. K. Rowling, dans un sens, tout le vécu physiologique du sexe (ménopause, andropause, avoir un vagin, avoir un pénis, avoir des règles, des bouffées de chaleur, des cancers de la prostate...) serait nié ou du moins considéré comme des faits relativement indépendants les uns des autres et sans importance particulière si bien qu'il ne serait pas légitime de donner une réalité biologique au sexe à partir d'eux. Du moins que d'autres critères seraient tout aussi pertinent comme le "ressenti", les goûts et au final tout ce qui constitue le genre à proprement parler.

    Il y a aussi cet argument comme quoi ce serait ethnocentriste car ce serait avant tout l'Occident qui s'est construit autour du bimorphisme sexuel (là j'attends la preuve, qu'on puisse cité quelques société où il existait des genres différents ne signifie pas 1) qu'il y existait des sexes différents 2) qu'il n'y existait pas malgré tout les notions d'homme et de femme et surtout 3) que ces sociétés sont minoritaires et pas seulement en occident, après peut-être, j'ai pas fait de recherche sur le sujet mais franchement ça m'étonnerait, dans mes lectures je suis tombé sur plusieurs sociétés non-occidentales qui avaient ces notions). Pour moi cet argument n'est pas recevable car je pense que c'est un fait scientifique, et non seulement une opinion politique, qui est vrai quel que soit la culture. Sinon on pourrait tout aussi bien recevoir des arguments disant que les cellules sont un construit social parce que dans beaucoup de sociétés la notion de cellule n'existait pas, ou que le dioxygène est un construit social pour les mêmes raisons. En gros cet argument fonctionne à l'envers, à moins de supposer que les faits objectifs n'existent pas, la diversité culturelle n'est une preuve de l'inexistence de la réalité biologique des sexes que si on considère au préalable qu'ils n'ont pas de réalité objective. Sinon elle pourrait très bien s'expliquer autrement.
    Cet argument c'est un peu "comme par hasard la science occidentale valide les théories occidentales du bimorphisme sexuel" (sauf que je ne pense pas du tout que le bimorphisme sexuels soit spécifiquement occidental, durant une période du paléolithique on retrouve plein de représentations de femmes et très peu d'hommes, qui plus est avec leurs attributs féminins exagérés (seins, bassin, vagin notamment)c'est vrai que les données archéologiques doivent toujours être interprétées avec des pincettes, mais on peut quand même estimer que si les modèles des représentations avaient été pris selon des critères n'ayant rien à voir avec le sexe "à l'occidental" on devrait avoir des proportions similaires d'hommes et de femmes.).

    Pour ton deuxième paragraphe je pense être d'accord avec toi.
     
  13. cyberpxte
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    cyberpxte Membre du forum

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  14. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Je vais essayer de répondre:
    Bon alors déjà je pense que si tu dis ça, c'est parce que pour toi "social = opinion" (vu que personne n'a parlé d' "opinion" jusqu'à présent). Or le social a des conséquences matérielles très concrètes. Encore une fois je fais une analogie, on peut penser au racisme: il a fallu créer des races, puis une hiérarchisation raciale pour pouvoir justifier les conquêtes coloniales, la mise en esclavage, bref l'exploitation raciale. Le concept de "race" n'était pas là d'emblée, et aujourd'hui tous les biologistes s'accordent pour dire qu'il n'existe pas de race biologique. En général, on dit que "la race" moderne est né en 1492, avec les conquêtes de Christophe Colomb. Si le sujet t'intéresse, cette vidéo de Tzitzimitl est assez éclairante sur le sujet:

    Ce que je disais sur la distinction nette nature/culture qui ne fait aucun sens (les deux concepts ne peuvent jamais être séparées et relève d'une vision anthropocentrée voire ethnocentrée), ce n'est pas moi qui le dit mais les anthropologues et sociologues (les structuralistes, post-structuralistes, post-modernes etc) depuis au moins les années 1970. Ce n'est pas "une opinion".
    Or J.K Rowling (et les TERF plus largement) semble être attachée, mais aussi beaucoup de personnes qui utilisent le paradigme "sexe (strictement biologique) /genre (strictement social)" sans trop être informées sur le sujet.
    Du coup comme tu sembles également partir de ce postulat rigide, tu annonces:
    Et nous revoilà au point de départ : "biologique = réel" (et donc "social = irréel" ou "moins réel que le biologique").
    Or 1) le social est toujours une réalité empirique, et 2) le "biologique", déconnectée de toute réalité sociale, n'existe pas: le social façonne toujours le biologique. Ici aussi, ce n'est pas "une opinion" mais les anthropologues qui le disent depuis bien longtemps.
    Sur le sujet, je te conseille notamment Hommes grands, femmes petites: une évolution coûteuse. Les régimes de genre comme force sélective de l'évolution biologique de Priscille Touraille.
    Sur le sujet, (toi qui te demandait par quel "miracle" historique haha), je te conseille La fabrique du sexe de l'historien Thomas Laqueur, ou encore Les cinq sexes de la biologiste Anne Fausto-Sterling.

    Une fois encore, personne dans cette discussion n'a parlé de "ressenti", mais je vois où tu veux en venir.
    J'ai parlé vaguement de l'argument stratégique "Born this Way" utilisé par les gays et les lesbiennes durant le XXe siècle: "je suis né·e homosexuel·le", ce qui signifie 1) je n'y suis pour rien, donc ne me criminalisez pas et 2) les thérapies de conversion ne pourront pas me changer.
    Parce que la biologie, dans nos sociétés, a valeur d'autorité (contrairement aux sciences sociales, comme tu es en train de l'illustrer en disant qu'il s'agit d' "opinion", de "thèse" un peu farfelus...). On a beau eu chercher le chromosome ou le gène de l'homosexualité, sans succès: on sait aujourd'hui qu'il n'existe pas. Tout comme l'hétérosexualité n'est pas plus biologique (mais ça, peu de chercheur·ses se sont penché sur les gènes de son existence vu que le point de vue majoritaire en sciences est straight).

    Je fais ce détour car c'est le même outil stratégique ici quand les personnes trans parlent de "ressenti", pour ne plus être criminalisées: "je suis né·e dans le mauvais corps", "j'ai un cerveau de femme (mais "un corps d'homme")". L'effet pervers est qu'au final, ça a aussi contribué à pathologiser les transidentités, qui faisaient encore partie de la liste officielle des maladies mentales il y a peu (dans le DSM).
    En plus de partir du postulat 2 sexes/2 genres ("2 corps" interchangeables et rien d'autre), l'argument du ressenti "réifie", "ontologise" les genres: ici le genre finalement, c'est un truc au fin fond de l'inconscient, un truc de psychanalyse ou métaphysique. C'est pour ça qu'aujourd'hui, cet argument est rejeté par beaucoup de chercheur·ses en études queer et les féministes matérialistes.

    Pour autant, est-ce que c'est intéressant de jeter la balle aux personnes trans qui parlent de "leur ressenti" ? (comme tu le fais en disant "les femmes trans essentialisent les femmes en associant féminité et robe/maquillage). Agir comme ça, c'est être déconnecté·e de l'expérience matérielle des personnes trans: aujourd'hui encore, sans ces arguments (sexistes...) on ne peut pas être diagnostiqué·e "dysphorique de genre" en France et donc ne pas avoir accès à un parcours officiel de transition médicale. Outre les médecins, c'est aussi un argument de survie en société car les personnes trans doivent sans cesse se justifier du fait qu'elles appartiennent bien à leur genre. Les femmes cis ne doivent pas se justifier constamment sur le fait qu'elles soient bien des femmes, qu'elles portent une jupe ou un pantalon. Ce n'est pas le cas des personnes trans. Le "ressenti" est donc un argument de dernier recours. Et même si certaines personnes trans prennent cet argument au sérieux, on n'a pas non plus à leur jeter la pierre parce que depuis quand on a besoin d'être un militant politique et avoir bac+8 en études de genre pour faire une transition de genre?

    Sur les arguments des TERF, je te propose cette vidéo (qui est sous-titrée en français) de Contrapoints, qui répond directement à plusieurs de tes interrogations:



    Ici tu inverses le raisonnement.
    Les personnes racisées ont une couleur de peau différente parce qu'iels sont victimes du racisme. Je m'explique: c'est les théories raciales qui ont créé "le noir", "le blanc" etc bref qui ont créées "la race". Si on perçoit une couleur de peau différente comme un élément significatif d'une personne c'est à cause du racisme. Mais la mélanine n'a pas toujours défini les personnes, et a pu être un élément parmi d'autres chez les humains tel que la taille, la couleur des yeux, des cheveux...
    C'est en partant de ce postulat là qu'on n'a pu établir des "cultures différentes", des "identités différentes" etc. Ces concepts là n'ont du sens que dans un contexte historique donné.
    Mais une fois de plus, tu ne peux pas comprendre ça si tu sous-estime les conséquences matérielles et conceptuelles du "social".

    Pour terminer, parce que mon post commence à être long, je t'invite une fois encore à lire les anthropologues, vu que visiblement tu ne sais pas d'où ça sort et tu ne connais aucun exemple de société où il n'y a pas deux sexes. En fait, c'est plutôt l'inverse: cite-moi quelles sociétés avant la colonisation, fonctionnaient sur un système 2 sexes/2 genres ?
    Du coup une fois encore, tu restes bloqué dans la dichotomie nature / culture : la nature en premier, la culture ensuite; la nature universelle, la culture s'appose dessus de manière particulière.
    Or on sait que ces concepts ne fonctionnent pas comme ça, et n'existent jamais "en soi".
    Et sur "les faits objectifs", "l'objectivité" dont tu parles, je t'invite à lire notamment les épistémologues féministes entre autres - parce que oui, le concept d' "objectivité" est contesté depuis un grand moment également, et pas qu'en sciences sociales.

    Je m'arrête ici, j'espère que les vidéos auront été + parlantes !
     
  15. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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    Non je ne considère pas que le social se réduit aux opinions, je considère que tout est matériel, les opinions également, et que tout ce qui fait intervenir des êtres vivants est de fait immédiatement biologique. Je considère cependant que les opinions, et plus généralement les représentations, ont une relation dialectique avec l'objet sur lequel elles portent, et que c'est dans cete relation que se situe le noeud du problème entre nature et culture. Ainsi, croire que Dieu existe ne le fait pas exister réellement d'une part mais ne vient pas non plus d'une expérience concrète où on aurait été confronté à Dieu d'aure part. La relation entre la croyance en Dieu et l'objet ayant provoqué cette croyance est indirect. Et il en va pour moi de même vis-à-vis du sexe, la croyance qu'on est une femme ou qu'il y a plus de deux sexes biologiques n'est pas directement lié aux sexes réels eux-mêmes, mais dialectiquement. Seule l'approche scientifique et donc matérialiste permet de trancher.

    Je pense que c'est toi qui fait une distinction entre nature et culture plutôt entre matériel et social. Preuve en est que tu argumentes en faveur des conséquences concrète (signifiant matériel) du social mais jamais du fait que les causes sociales sont également matérielles (et donc nécessairement biologique). Or c'est sur ce point là que nous sommes en désaccord. Je ne nie absolument pas que le social ait des conséquences concrètes justement parce que j'affirme que le social est matériel et concret. Mais encore faudrait-il savoir ce que tu entends par social.
    Car pour ma part ni les normes, ni les "structures sociales" n'existent, il s'agit uniquement de schéma de pensée pour parler d'une réalité matérielle qui consiste en des interactions entre individus. Les modifications "sociales" des individus (habitus, dispositions, ou autres) sont des modifications matérielles et donc biologiques de ces individus. Ce sont leurs circuits neuronaux qui sont directement modifiés et tout ce que ça implique ensuite physiologiquement. Et j'insiste particulièrement sur le terme biologique car, a priori, on ne parle de société que pour des organismes vivants.
    Donc oui il y a une primauté de la biologie sur le social, indéniablement, car une chose peut-être biologique sans être social et même lorsque cette chose a une dimension sociale sa nature biologique n'en est pas pour autant directement impactée (elle peut l'être indirectement), en revanche l'inverse n'est pas vrai absolument tout ce qui est social est forcément biologique car tout ce qui est social passe forcément par des individus biologiques.
    Ainsi, penser différemment une cellule (ou d'un sexe pour en revenir au sujet) en fonction des connaissances, opinions ou mythes d'une société historiquement déterminée ne change en soi la nature biologique de cette cellule, ou du sexe. C'est pour ça que l'argument portant sur les sociétés divisant le monde en plusieurs sexes ne me paraissent pas recevables. Il s'agit de représentations du monde qui ont certes un impact sur le comportement des individus, mais que très indirect sur ce dont elles parlent (le sexe des individus). De la même façon que Dieu n'existe pas plus réellement dans les sociétés théocratiques monothéistes que dans des sociétés laïcs ou animistes. Ce qui n'empêche pas d'un autre côté que la foi en cette existence divine ait des conséquences concrètes sur l'organisation de la société et le comportement des individus, mais parmi ces conséquences la nature du divin n'est, au mieux, que très indirectement impactée.

    Et au final, loin de me contredire, dans ce commentaire et cette histoire du racisme que tu fais tu confirmes ce que je dis :

    Tu parles bien de "conséquences" matérielles et non de causes. Et les causes ici sont bien des opinions sur l'existence de races. Ce sont ces opinions qui pré-existaient aux pratiques sociales concrètes telles que l'esclavage. Or sur ce point l'histoire est précisément inverse, l'esclavage existait concrètement bien avant les théories racistes et celles-ci ont notamment permis de justifier, a posteriori, celui-là.
    D'ailleurs en suggérant que les couleurs de peau différentes n'auraient rien à voir avec l'origine du racisme l'histoire que tu invoques est incompréhensible. Des humains sans aucun intérêt économique particulier (l'esclavage n'existant pas encore) et ne portant pas plus intérêt à la couleur de peau qu'à n'importe quel autre trait susceptible d'être distinctif se sont subitement mis à dire que l'humanité est constituée de races qu'ils ont totalement arbitrairement définies par la couleur de peau avant de se mettre à massacrer et exploiter les gens de "races" différentes ?


    Je suis en parti d'accord, mais l'ensemble du raisonnement est complètement tiré par les cheveux. Bien sûr que la couleur de la peau est un trait distinctif comme un autre sauf que déjà il est lié à l'origine géographique, alors qu'en europe, avant la mondialisation, tu avais autant de chance de trouver des petits et des grands que dans n'importe quel autre lieu. C'est pas le cas pour des gens avec la peau foncée. Et ta théorie n'explique pas pourquoi c'est la couleur de peau qui a été prise comme critère distinctif par le racisme sinon pour la raison que j'ai donnée et le fait que c'est un trait particulièrement visible.
    J'ai déjà vu la vidéo que tu me suggères oui.

    Je pense que tu parles d'une époque révolue. On voit aussi souvent sinon plus souvent des chercheurs en sciences sociales sur les émissions de grande écoute que des chercheurs en biologie (combien de sociologues interrogés sur quotidien, brut, de policistes ou économistes sur BFMTV, arte ou C dans l'air, la chronique du linguiste sur clique, etc...). Perso j'ai étudié en sociologie, je n'ai pas choisi la biologie ou la physique. Les courants que tu cites post-modernes, structuralistes, post-structuralistes, manque pragmatique et phénoménologique et on aura tout ce qui m'a fait quitter ce cursus. Tous refusent le déterminisme et veulent des individus dotés d'un libre-arbitre capable de façonner le monde matériel.
    Je pense que les sciences sociales peuvent être scientifiques à condition qu'elles soient matérialistes et donc moniste. Qu'elles prennent conscience que la société est un phénomène matériel donc dont l'évolution ne peut pas être indépendante des propriétés de la matière. Il n'existe pas de construction sociale pure, ne s'appuyant sur aucune réalité matérielle. Le racisme n'est pas une pure chimère, il s'appuie sur des réalités objectives comme le fait que la couleur de peau est une différence plus visible que d'autres, qu'elle a pu sembler liée à des différences culturelles du fait que la couleur de peau ET les pratiques culturelles varient selon le lieu, le racisme s'appuie également sur des rapports sociaux d'exploitation préalables... Et pour autant reconnaître que le racisme ne sort pas de nulle part ne signifie pas que les thèses racistes soient valides, que la couleur de peau, parce qu'elle est une différence plus visible, serait également plus déterminante ou que la culture soit effectivement liée à la couleur de peau.

    Ok, ça me parait tiré par les cheveux quand même, à mon avis beaucoup le pensent réellement. En attendant, stratégie ou pas, c'est un discours que je pense nuisible. Séparation de l'esprit et du corps : on pourrait être autre chose que son corps et même carrément être dans un corps qui ne "nous" correspond pas.
    et sexisme : le genre déterminerait le sexe, quand on a des goûts ne correspondant pas à ceux traditionnellement assimilés à notre sexe biologique ce n'est pas le genre qui pose problème, le fait qu'on désapprouve un homme portant des jupe etc..., mais notre sexe biologique qui serait une "erreur". Nous ne serions pas un homme avec des goûts particuliers et fondamentalement pas moins légitimes mais une femme dans un mauvais corps.

    Là tu retournes le sujet. C'est justement parce que le sexe est une réalité que les femmes n'ont pas à se justifier d'être femmes et que c'est plus compliqué pour les trans. Au final est-ce-que la volonté d'être une femme suffit à en être une ?
    Si tu réfutes que le sexe est une affaire de ressenti est-ce qu'une personne est une femme avant d'avoir effectué sa transition ? Sinon à partir de quand ?
    ça me fait penser à ce passage :

    Est-ce-que c'est choquant que le "non-binaire" soit classé comme homme et blanc ? Y a quand même une déformation de la notion de genre. Dire que quelqu'un est un homme, en l'occurrence, c'est parler de son sexe, pas de son genre. Dire qu'un homme devrait aimer le foot et ne pas porter de rose, penser comme ci, se comporter comme ça, là on touche à la notion de genre. Pour moi parler du genre implique de postuler l'existence de sexes biologiques (et on revient un peu à ce que disait J. K. Rowling sur la négation du vécu des femmes, comment parler d'une oppression qui se base sur des traits morphologiques si on nie la pertinence de ces traits morphologiques ? Les agresseurs arrivent à reconnaître les femmes... alors que le sexe féminin n'existe pas ?).
    Pareil concernant la couleur de peau, le "non-binaire" assimile ici origine nationale et couleur de peau, exactement comme le fait le racisme comme je l'ai dit plus haut. Le fait d'avoir une origine libanaise changerait la couleur de peau ? Alors je connais les théories, que je trouve effectivement farfelues, sur la "blanchité" et les "races sociales", et je crois effectivement que c'est un errement des sciences sociales.

    Pourtant, d'autant plus dans une société sexiste, la "norme" ne justifiant pas de diplôme c'est précisément de considérer que le sexe n'est pas une question d'opinion. Ce sont justement les bac+8 qui prétendent qu'il y aurait plus de deux sexes. D'ailleurs quels seraient ces autres sexes ? Car même les intersexes, à ma connaissance, partage des caractéristiques des deux sexes, ils ne sont pas un sexe différent.

    La plupart. De ce que la totalité des sociétés connaissent une division sexuée du travail et en particulier l'usage et la fabrication d'armes destinées à la guerre est le monopole des hommes, on n'y connaît aucune exception (mise à part préisément la société capitaliste). La chasse au gros gibier et la guerre sont donc des activités d'homme où les femmes ont souvent un rôle annexe. Bref, cette division sexuée du travail se faisant précisément par rapport aux mêmes sexes masculins et féminins qu'on connait il me semble que c'est quand même un bon indice du fait que toutes les sociétés reconnaissent l'existence de ces deux sexes.
    Ensuite on peut mentionner les mariages qui se font généralement entre hommes et femmes, la filiation organisée en fonction du sexe des parents (soit matrilinéaire comme les iroquois si je ne m'abuse, soit patrilinéaire, mais j'ai jamais entendu parler de société "troisième sexe linéaire", idem pour la famille "de référence", genre est-ce qu'après le mariage c'est l'homme qui va habiter dans la famille de la femme - matrilocalité - ou l'inverse).
    Puis les oppressions de sexes qui, encore à ma connaissance, s'exerce pas contre un troisième sexe mais contre les femmes, comme chez les Baruyas où il existe des chemins pour les femmes et d'autres pour les hommes, les femmes ont interdiction de regarder les hommes, etc...
    Je t'ai donné de plus l'exemple desvénus du paléolithique : Venus préhistoriques - Hominidés
    Il s'agit de représentations de femmes, beaucoup plus nombreuses que les représentations des hommes, et qui plus est avec les attributs marquant la féminité bien marqués. Et on peut difficilement faire davantage "avant la colonisation".

    J'ai l'impression que tu lis ce que tu as envie de lire. J'ai parlé de fait scientifique et non de nature. La diversité des théories sur ce qu'est l'humain à travers les différentes cultures ne reflètent pas une diversité objective des humains. Ça ne signifie pas que ces théories ne sont pas naturelles, issues du développement naturel de la matière, ça signifie qu'elles sont fausses. C'est deux choses différentes.

    J'ai déjà fait de l'épistémologie, je sais que le concept d'objectivité est contesté par certains épistémologues et je pense qu'ils ont tort et que leurs arguments sont souvent cramés. Puis ils appartiennent à des courants épistémologiques avec lesquels je suis en désaccord. J'ai déjà cité la phénoménologie de Husserl, Merleau-Ponty ou Heidegger, y a aussi l'"anarchisme épistémologique" de Feyerabend...
    C'est sûr que si on remet en cause l'objectivité on peut dire tout ce qu'on veut. Jusqu'à preuve du contraire le soleil éclaire la Terre et celle-ci tourne sur son axe, nous respirons du dioxygène et si on s'arrête de manger on meurt inévitablement au bout d'un certain temps. On peut faire de la branlette intellectuelle tant qu'on veut, la réalité objective est là et s'impose à nous peu importe comment on se représente cette action.

    Je regarderai la vidéo gender critical plus tard.
     
  17. cyberpxte
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  18. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Merci pour ta réponse détaillée.
    Je t'avoue que je pense qu'on n'arrivera pas à trouver un consensus - et surtout j'ai la flemme de poursuivre parce qu'on part de points de vues très différents, j'ai l'impression.

    Pour ne pas trop partir en HS, je vais simplement apporter une précision ici:
    (parce que le but de cette discussion, c'était avant tout de défendre et expliquer l'existence des personnes trans face à un public cis)
    Bon, si tu viens de la sociologie, je ne t'apprendrais pas grand chose sur l'histoire de la sexualité telle qu'elle a pu être appréhendée par Foucault et ses continuateurs gays et queers comme Halperin ou Bourcier.
    Je tenais à répondre parce que tu parles de "discours nuisible" (venant des personnes trans): en fait, ce discours n'est pas né de la bouche des personnes trans/homo/déviantes de genre, mais bien des psychologues, psychanalystes et des sexologues au XIXe siècle qui cherchait à comprendre pourquoi tout le monde ne rentrait pas dans les cases étriquées hommes/femmes. C'est partant de cette différence sexuelle, vue comme ontologique, qu'ils ont essayé de théoriser l'homosexualité, la transexualité (à l'époque), le travestissement... C'est donc dans ce contexte né avec l'époque moderne, où on crée la différence corps/esprit, un individu (séparé du reste) avec des droits, une psychologie interne, que naissent et se constituent ces savoirs. Les identités sexuelles (une fois encore, on ne parle pas que des minorités sexuelles: l'hétérosexualité est une identité) sont nées avec l'individu libéral et la paradigme corps/esprit.
    Historiquement, les psy ont ainsi créé des schémas de pensée tout prêts (femme trans = "en étant un petit garçon, j'ai toujours aimer porter les talons de ma mère", "j'ai toujours détester mon pénis"). Les personnes trans, aujourd'hui encore, doivent dire des discours de ce type aux médecins pour avoir accès à des hormones/chirurgie/etc. Iels disent ce que les médecins veulent entendre. On est tous·tes pris·es dans ces paradigmes, c'est pour ça que les LGBT+ ont préféré se réapproprier ces discours pendant un temps. Aujourd'hui, c'est dans les queer et les trans studies que ces discours sont rejetés.
    C'est pour ça que je ne parle pas de cas individuel (genre le discours de tes ami·es: je les connais pas en fait), mais je te dis comment tout ça s'est constitué tout au long de fin XIXe - XXe siècle.
    C'est donc assez gonflé de venir aujourd'hui reprocher aux personnes trans de "faire une distinction corps/esprit": c'est méconnaître leur Histoire et leurs expériences matérielles.

    J'ajoute aussi que dans la discussion, on essaie de justifier (ou non) la pertinence de l'existence des personnes trans. Pourtant je pense que les personnes trans ne cherchent pas à ce que tout le monde les comprennent (ou aient une connaissance + largement des sexes/genres/sexualités) mais veulent juste être respectées: être pleinement considérées comme le genre auquel elles appartiennent.
    Ce sera ma dernière remarque: que tu le veuilles ou non, d'accord ou pas, les personnes trans existent, elles sont là. A défaut de les comprendre, il s'agit simplement d'une question de respect.
    Et que ces accusations #OnNePeutPlusRienDire des TERF (et de beaucoup d'autres réactionnaires dans d'autres contextes) oublient le fait que l'on meurt de transphobie partout dans le monde tous les jours, mais jamais de cisphobie.

    Au passage Contrapoints vient d'un parcours philosophique, ses argument te parleront + peut-être.
     
  19. Anarchie 13
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  20. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    ça je suis totalement d'accord. Rien ne justifie les violences ou discriminations subies par les personnes trans.
    Pour autant, je pense qu'on peut discuter des explications que certaines donnent à leur choix de transition sans leur manquer de respect. Tout comme je peux discuter des justifications des gens qui se tatouent ou s'achètent une fiat panda sans leur manquer de respect. Mais je pense qu'on peut respecter une personne sans pour autant être d'accord avec l'opinion qu'elle a d'elle-même. Je vais certainement pas aller dire à une personne trans "non tu n'es pas du sexe duquel tu prétends être" si ça peut la blesser. Mais pour moi ce n'est pas parce qu'on souffre de ne pas être considéré comme une femme qu'on en est objectivement une (et inversement).

    Pour ça je reste pas convaincu. Qu'est-ce-qui motive une transition sinon ? S'il s'agit simplement de ce à quoi on aimerait ressembler et non de ce qu'on pense être au fond de soi, alors en somme on réduit les motivations des personnes trans à quelque chose de cosmétique, une modification corporelle pas très éloignée de la chirurgie esthétique. ça discrédite en effet les discours prétendant qu'il s'agirait d'une procédure médicale, d'un besoin presque vital visant à épargner une souffrance existentielle (quoique certaines opérations de chirurgie esthétique puisse coller à cette description aussi).
    ça discrédite aussi le propos selon lequel on devrait considérer les personnes trans comme étant du sexe qu'elles aimeraient être. Il ne s'agirait plus d'une conviction intime d'être ce sexe. Et du coup ça passerait plus pour un caprice égocentrique, du style "considérez-moi comme une femme parce que j'ai envie de vivre la vie d'une femme" (et non pas parce que je pense en être une réellement).
    Après dans un monde capitaliste normalement rien ne devrait justifier qu'on refuse une opération tant que tu paies (et que la balance risques / bénéfices ne penchent pas trop vers le danger de mort). Sinon il s'agit en effet de discrimination.
     
  21. cyberpxte
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  22. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Contrapoints vient justement de publier une vidéo pile poils sur le sujet!
    Un peu longue, je vous l'accorde, mais si vous êtes intéressé·e c'est juste ici:


    Juste pour te répondre, tu serais étonné d'apprendre que dans certains militant·es/chercheur·ses queer (notamment Paul Preciado) parlent du fait que la frontière est floue entre "chirurgie esthétique 'cosmétique' / chirurgie esthétique 'trans' " et que ça serait bien de l'abolir (on peut imaginer une société où un homme cis veut se faire des seins énormes, et au contraire une femme cis se faire retirer les seins) ; mais dans les sociétés capitalistes actuelles, abolir cette distinction signifierait ne plus rembourser aucune intervention médicale parce que "si être trans ce n'est pas de l'ordre de la pathologie, alors plus de remboursement" (et exit les personnes trans pauvres qui ne peuvent pas avoir accès à ces chirurgies etc).
    Pour ta conclusion, tu repars de ton point de vue binaire 2 sexes/2 genres :
    La question n'est pas "je suis un homme et je veux être une femme!!!!!", mais plutôt "je me sens bien dans un genre plus féminin" (car dans cette société, un genre ne peut être que masculin ou féminin, mais ces masculinitéS/féminitéS sont plurielles); personne ne pense "être un homme" ou "être une femme", comme je le disais plus haut le genre n'a rien d'ontologique/de métaphysique/un truc enfoui dans l'inconscient. Ça c'est le discours des psychanalystes.
    Si malaise il y a, c'est plutôt un malaise via ce système 2 sexes/2 genres (qui n'a rien de naturel), et le fait que leur assignation de sexe de naissance va déterminer le reste de leur vie. Certaines personnes disent non, et ce sont les personnes trans et les féministes.
    L'enjeu c'est plutôt d'offrir à tous les humains n'importe quelle possibilité de genre si l'on veut supprimer le système sexe/genre (supprimer les hommes et les femmes) et donc supprimer les frontières cis/trans.
     
  23. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  24. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Je ne suis pas sûr. Je ne crois pas que l'abolition des genres se décrètent et surtout je ne pense pas qu'elle passe par le libre choix de son genre. Par contre ça doit être un bon moyen de trouver des débouchés pour le capital mais pour choisir un genre il faut qu'il existe.
    Surtout, je pense que les genres existent parce que les sexes biologiques sont une réalité empirique. S'il y a deux genres prédominants c'est parce qu'il y a deux sexes. Je ne crois pas que prétendre que le genre est indépendant du sexe permette d'abolir le genre, tout simplement parce que c'est faux. Je pense au contraire que c'est en allant vers l'universalisme qu'on abolit le genre, en montrant ce qu'en tant qu'humains on devrait de fait avoir la même liberté de se vêtir, de choisir quel sport on fait, d'avoir telle ou telle attitude, etc... sans que notre sexe ne soit un critère excluant. Et pour moi ça ne revient pas à multiplier les genres, puisqu'il ne s'agit pas de réinventer des combinaisons différentes de comportements, attitudes, rôles, vêtements... sous la forme de nouveaux "genres" mais dire que ces catégories sont absurdes et n'existent qu'en tant qu'elles justifient une domination.
     
  25. ribouldingue
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    ribouldingue Membre du forum Compte fermé

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  26. libertaire, autonome
    Merci pour votre discussion très intéressante. Je n'ai pas encore assez d' arguments pour répondre, je suis encore partagé par ces questions de sexe, genre, de leur abolitions...

    Je pose une critique de Contrapoint là::

    Contrapoints et le genre
     
  27. cyberpxte
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  28. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Attention à ce que tu dis, là tu as clairement un discours anti-féministe ("sexe = genre"). Il n'y a aucun lien de cause à effet entre "sexe" et "genre". Maintenant si tu n'es pas dans une posture féministe, alors c'est un tout autre débat.
    Ou alors tu critiquais juste le côté "discursif" du genre, j'avoue je suis pas au clair.

    Au niveau de la deuxième partie de ton argument: il n'y a pas de contradictions entre "multiplication des genres" et "abolition du genre": beaucoup de queers pensent que c'est en démultipliant les genres que l'on montre à quel point la notion de "genre" est absurde et n'a aucun lien avec "le sexe". Donc ça rejoint ce que tu dis mais sans passer par la même méthode.
    Après oui, la stratégie de la démultiplication des genres a été maintes fois critiquée car effectivement elle peut être compatible avec le capitalisme (toujours plus d'identités = toujours plus de marchés) et elle s'arrête à un niveau individuel. "Abolir le genre" n'est jamais une simple série de "choix individuels". Une fois encore, la libération passera par le collectif. Une fois qu'on a posé ça, ça ne veut pas dire pour autant qu'il faille 'faire la guerre' à toutes les personnes qui ne veulent/peuvent pas rentrer dans les catégories binaires assignées à la naissance homme/femme.
    Or c'est précisément ce qui nous intéresse ici: comment militer pour un féminisme qui ne soit ni homophobe ni transphobe?

    ribouldingue → Merci pour l'article, super intéressant!
    Bah je me reconnais dans la critique de l'éclectisme des théories (j'ai tendance aussi à faire ça) mais je suis d'accord avec le propos général de l'autrice. En fait plus haut j'essayais entre autres d'expliquer cette vision matérialiste et décoloniale (mais c'est expliqué ici de manière beaucoup plus convaincante !!).
    Mais:
    Déjà oui je suis d'accord avec l'idée que Contrapoints/Natalie Wynn ne défend pas forcément un point de vue communiste/anarchiste révolutionnaire, et sa critique du genre ne remonte pas jusqu'au capitalisme/impérialisme.
    Par contre contrairement à l'autrice, je ne pense pas non plus qu'il y a là une opposition (en gras): je me répète mais, l'identité individuelle est née avec le libéralisme. La psychologie, tout comme la sociologie, est une science qui découle directement de cet individu libéral. Donc lorsque l'on parle de "genre psychologique", évidemment que l'on se situe dans ce cadre théorique né au sein du capitalisme occidental. En partant de ce point de vue là, où même la psychologie a une histoire coloniale, on ne contredit pas le fait que le genre est une des inventions capitalistes: c'est-à-dire que l'on adopte une théorie matérialiste du genre.
    C'est pourquoi je pense que Contrapoints reste une super vidéaste pour introduire les gens aux débats dans les milieux féministes et LGBT+ !
     
  29. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  30. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    Je n'ai pas dit sexe = genre, j'ai dit que les deux ne sont pas indépendants. Le genre a été construit en référence au sexe. Je ne vois pas bien ce qu'il y a d'antifeministe la dedans d'autant que ça me paraît évident. On parle bien de genres masculin et féminin et ceux qui sont censés s'y confirmer sont respectivement les personnes dotées d'un sexe homme et femme. Évidemment ça ne veut pas dire que les deux sont la. Même si bien évidemment l'un ne se réduit pas à l'autre.
    Il n'y a pas de lien de causalité, le sexe n'est pas suffisant à l'existence d'un genre. Si le genre a été construit en référence au sexe, ce n'est pas le sexe qui a construit le genre, ce sont bien des individus au sein d'une société donnés qui ont construit le genre en fonction du sexe. Il n'y a pas non plus absence totale de lien entre les deux, je doute que des hommes se soient dit, du jour au lendemain, "on va inventer un truc, on va dire que toutes les personnes qui accouchent sont douces et fragiles et doivent s'occuper des enfants comme ça on n'aura pas à le faire nous et on pourra les dominer pour les décennies à venir, c'est pas génial comme idée !?". Je pense bien qu'une bonne partie du genre a été construit en s'appuyant sur ce que les individus pensaient réellement du sexe, à tort, ils ont attribué au sexe des comportements ou états d'esprit qui justifiait l'organisation de la société (notamment sans doute de la division du travail qui elle-même s'est probablement installée de façon relativement inconsciente) ou qui étaient produits par cette organisation sexiste de la société.

    J'ai bien compris sauf qu'à mon sens ça part du postulat, que je pense faux, que le genre serait une création totalement arbitraire. Et que si les gens y adhèrent encore massivement ça n'aurait rien à voir avec le fait qu'ils constatent des différences morphologiques entre sexes qui leur permettent de supposer que les différences entre genres sont justifiées.
    Donc je pense que ce projet queer est voué à l'échec parce qu'en continuant à utiliser la notion de genre on continue à devoir la justifier, et vu qu'elle s'est toujours justifiée par les différences entre sexes l'invention de nouveaux genres qui ne s'y rapportent ne peut que paraître absurde à la plupart des gens.
    D'ailleurs ça me paraît tellement vrai qu'aujourd'hui les mots pour désigner les genres et ceux pour désigner les sexes sont souvent les mêmes. Et on en revient à la vidéo que j'avais posté plus haut avec un homme (de sexe masculin) qui nie être un homme (de genre masculin). A mon avis ce qu'il faut c'est détricoter ce que signifie "être un homme" plutôt que de dire qu'il ne s'agirait que d'un genre, donc d'une construction sociale - ce qui semble être l'équivalent d'une idée saugrenue qui s'est popularisée sans explication et surtout sans lien avec ce à quoi elle prétend se rapporter (ici le sexe) - et qu'on pourrait donc en "inventer" de nouveaux comme ça, créer les siens, comme s'il s'agissait d'avatar de jeux vidéos.

    Du coup on est d'accord sur ce point :

    Il n'est pas question de faire la guerre aux personnes. Si on parle de théorie en revanche c'est un peu différent. Qu'une personne ne veuille pas appartenir à une catégorie, peu importe. Qu'elle prétende ne pas y appartenir par contre, sans même parler de politique, d'un simple point de vue scientifique ça pose d'autres problèmes. Si je mesure 1m50 je peux regretter d'être petit comparé aux autres, et donc d'être assigné à la catégorie "petit" par les autres, mais pour autant ça ne m'empêche pas de l'être.
    Alors après tout dépend ce qu'on appelle transphobie (et l'homophobie je ne sais pas trop ce que ça vient faire là) mais je ne vois pas en quoi un féminisme qui ne nie pas la réalité (indépendante de toute "construction sociale" j'entends) des sexes biologiques serait transphobe. Pour moi être transphobe c'est rejeter, stigmatiser des trans parce qu'ils sont trans. Contredire un trans, y compris sur ce qu'il pense de lui-même, ce n'est pas de la transphobie, en tout cas je n'en ai pas l'impression. Pour moi une transition est un choix individuel de modification de son corps (ou simplement de son apparence si on parle de transgenres) comparable à de la chirurgie esthétique.

    Après c'est vrai que ça implique beaucoup de problématiques de genre, que ça suscite énormément de rejet dans la population (parmi ses éléments les plus stupides en tout cas). De là à dire qu'il est transphobe de dire qu'un homme ayant effectué une transition pour avoir une morphologie féminine n'est pas pour autant devenu une femme je suis pas arrêté sur le sujet mais a priori je trouve que c'est faux. Ce n'est pas parce que la personne en question serait blessée que cette remarque est transphobe. On ne refuse pas à la personne d'exister en tant que personne ayant effectué une transition, on refuse de considérer que cette transition a effectivement abouti à un changement de sexe.
    D'ailleurs sur ce point précis au final Contrapoint, dans la première vidéo, ne répond pas grand-chose à part que si la personne veut être considérée comme une femme alors ça ne coûte rien de la traiter comme telle. Mais sinon elle reconnaît à plein de reprises qu'il existe des distinctions irréductibles entre des personnes nées avec un sexe de femme et des personnes ayant subi une opération pour ressembler à des personnes nées avec un sexe de femme. Elle parle des expériences de sexisme vécues dans la jeunesse, des expériences spécifiques des femmes que la transition ne permet pas de vivre (grossesse, allaitement par le sein, avortement, règles, ménopause...). Dire que ces expériences ne participent pas à définir le sexe de femme est largement discutable. Et le discuter n'est pas transphobe.
    Donc si on est d'accord là-dessus je ne crois pas qu'il existe de féminisme transphobe (mais sans aucun doute existe-t-il des féministes transphobes comme la personne qu'elle cite en début de vidéo).
     
  31. cyberpxte
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  32. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Alors sur la stratégie politique féministe à adopter, je ne peux pas te contredire parce que même les féministes et/ou les queers entre iels ne sont pas d'accord sur ce qu'il faudrait faire.

    Par contre, plusieurs précisions:
    Je me répète mais il faut que tu lises notamment Thomas Laqueur, ou Paul (Beatriz) Preciado qui ont écrit sur le sexe.
    La "division sexuelle du travail" (comme elle est communément appelé en sociologie) est le résultat de politiques et de l'économie capitaliste, c'est pas par la magie du saint esprit que les femmes se sont retrouvées au foyer. Il faut que tu lises les féministes matérialistes là dessus (Delphy, Wittig, Guillaumin...).

    Puisqu'on ne part pas des mêmes bases théoriques, tu vas pouvoir affirmer:
    Or, on le sait depuis des décennies maintenant, le sexe est une construction sociale.
    Donc oui la création du sexe bicatégoriel justifiera une bicatégorisation des genres, dans un projet capitaliste.

    Alors déjà, outre le féminisme, c'est un élément de base en science sociales: une réalité indépendante de toute construction sociale, ça n'existe pas. Un humain qui né est d'emblée social. Tu retombes dans ce que je critiquais plus haut dans une division "nature/culture", "la nature en premier, le social qui vient s'apposer dessus". On sait que ça ne fonctionne pas comme ça.
    Ce qui t'amène à employer des termes comme "les sexes biologiques" (qui seraient le trophée des personnes cis); erreur, les personnes trans qui ont entrepris une transition médicale ont "une sexe" tout autant biologiques que les personnes cis.
    (c'est d'ailleurs le clin d'oeil de la 2e vidéo que j'ai partagé de Contrapoints, qui a un éventail où c'est écrit "BIOLOGICAL", à lire: "I am a biological woman").

    C'est homophobe car la construction du sexe binaire s'est faite sur une construction hétérosexuelle (2 sexes distincts fondamentalement différents et complémentaires). Ça aussi, on sait que c'est une construction sociale.
    Les cultures gays et lesbiennes ont notamment mis en échec les rapports sexe/genre par des pratiques sexuelles non hétéro (mais pas que; les cultures gays & lesbiennes ne s'arrêtent pas à "la sexualité"). On peut penser aux "testo girls" des années 90, aux masculinités féminines (Female Masculinity) de Halberstam ou au fameux "Les lesbiennes ne sont pas des femmes" de Wittig, aux cultures BDSM et fistfucking...
    Et historiquement, les frontières homo/trans ont souvent été floues; les LGB et les T partagent beaucoup d'enjeux en commun. Beaucoup de LGB ne rentrent pas dans les catégories binaires hommes/femmes. La lutte contre la transphobie est aussi un enjeu gay & lesbien (et par ailleurs y a aussi des personnes trans gays & lesbiennes).

    Si si, dire ça c'est transphobe. Car dans ta description, il ne s'agit pas "d'un homme" mais d'une femme trans.
    Elle n'a pas de "sexe d'homme", mais un sexe de femme car c'est une femme (est-il vraiment utile de le rappeler???).
    Cette phrase est effectivement transphobe (qui sous-entend qu'il y aurait un déterminisme un peu métaphysique basé sur l'assignation de sexe à la naissance). Et un "changement de sexe" ça n'existe pas, on n'est pas des playmobils. Utiliser des expressions comme celles-là montrent que tu ignores la réalité des parcours de transition...

    Et ce n'est pas une question "de ne pas blesser", comme si au fond il s'agissait simplement d'une questions d'ego (!), je pointe ici le fait que ton discours est erroné. J'ai déjà expliqué que "le mauvais corps" ce n'est plus vraiment un argument recevable chez les queer aujourd'hui, c'est un discours avant tout construit par et pour les médecins début XXe...

    Effectivement, dire qu'il y a des femmes trans et des femmes cis n'efface aucune des particularités des vécus, comme tu l'a remarqué. Tout comme dire qu'il y a des femmes blanches et des femmes noires. Des femmes hétéro et des femmes lesbiennes. Des femmes bourgeoises et des femmes prolos.
    Les expériences de toutes ces femmes auront beaucoup de différences, mais elles partagent toutes le fait d'être des femmes.
    C'est ça un féminisme non-transphobe: un féminisme qui inclut les femmes trans dans son sujet politique révolutionnaire. Refuser le statut de femmes aux femmes trans est transphobe, tout simplement.

    Voilà, je pense que j'en ai assez dit, et que tu as assez d'informations pour avoir un avis construit sur le sujet (même si je te conseille vivement de poursuivre la lecture avec les quelques auteur·ices que j'ai mentionné·es).
     
  33. Anarchie 13
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    Anarchie 13   Comité auto-gestion Membre actif

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  34. libertaire, anarchiste, marxiste, individualiste, révolutionnaire, anti-fasciste
    La division sexuée du travail date de bien avant l'apparition du capitalisme et existe dans toutes les sociétés connues. Et ce n'est sans doute pas par la magie du saint d'esprit pour autant on ignore encore beaucoup de chose sur son origine.

    Effectivement je ne suis pas d'accord. Certains auteurs le disent peut-être depuis des décennies mais je ne crois pas que ça fasse consensus dans la communauté scientifique (d'autant que les chercheurs parlant de ça sont majoritairement des chercheurs en sciences humaines or ils ne sont pas les seuls à avoir leur mot à dire).
    Ceci dit, évidemment que le sexe est en partie une construction sociale, comme n'importe quel concept en fait. Une fois qu'on a dit ça, on n'a rien dit. Mais les constructions sociales sont fondées plus ou moins directement sur des faits objectifs. Et concernant le sexe, je dirais plus que moins.
    C'est pareil que pour la définition de l'espèce comme communauté d'individus interfertiles, on peut toujours trouver des exceptions comme les ligres ou tigrons ou mules mais ce sont des exceptions, il existe bien, objectivement, des différences qualitatives entre espèces liées aux questions de fertilité.
    Je note quand même les auteurs que tu cites même si j'ai pas vraiment le temps de me lancer dans ces lectures en ce moment.

    Je ne suis évidemment pas d'accord. Que notre connaissance du monde soit toujours biaisée du fait de notre socialisation je l'admets sans peine, mais ça ne signifie pas du tout qu'il n'existe aucune réalité indépendante de toute construction sociale. Et je ne suis pas non plus d'accord pour dire que c'est un élément de base en sciences sociales, seuls certains courants vont dans ce sens comme la phénoménologie ou le constructivisme peut-être la pragmatique je ne connais pas assez. Mais de ce que je connais de Bourdieu et sa sociologie critique il ne dit rien de tel, idem pour la tradition marxiste, pour l'interactionnisme jamais entendu ça, Durkheim, Weber, je n'ai jamais non plus lu ça sous leur plume...
    Mais peu importe où tu as entendu ça, tu penses vraiment que la matière n'existe pas indépendamment de toute construction sociale ? Que l'oxygène qu'on respire n'est pas constitué d'atomes qui existaient bien avant la première société humaine (ou autre) et survivra probablement à la dernière ? Que la gravité n'a pas attendu Eve pour faire son oeuvre ?
    Etc... jusqu'à la sélection naturelle, les gènes et nos corps qui ont bel et bien une existence concrète avant même d'être pensés.

    Le social est un phénomène naturel mais bien sûr qu'il se pose sur le biologique. Encore une fois ça me semble évident. On parle de société pour des animaux, des organismes pluricellulaires (et même pas tous). Les sociétés ne sont pas possibles sans eux puisqu'elles sont des interactions entre individus. Ce n'est pas faire une distinction entre nature et culture que de dire ça, mais c'est dire que la culture est un phénomène particulier de la nature. Si je dis qu'il faut absolument des réactions physico-chimiques pour qu'il existe la vie, que la vie "s'appose" (sous certaines conditions) sur ces phénomènes (ou plutôt qu'elle est des phénomènes physico-chimiques particuliers), je ne dis pas que la vie et la nature serait deux phénomènes distincts. Eh bien c'est pareil, le social est des phénomènes biologiques particuliers.

    Tu dis beaucoup "on sait que" mais je ne pense pas que ce que tu dis fait consensus. Même au sein des sciences sociales.
    Je ne suis pas sûr de comprendre ce que tu veux dire par là. C'est possible que la reproduction soit une explique l'apparition des divisions sexistes, de l'importance du sexe dans notre société. ça me parait par contre tautologique de dire que la reproduction, impliquant forcément un homme et une femme en tout cas dans l'espèce humaine, soit à l'origine du fait qu'on considère qu'il n'y a que deux sexes distincts : l'homme et la femme. C'est sûr que ces deux faits, qui pour moi, tu l'auras compris, sont des faits objectifs (la différence homme / femme existe objectivement et la reproduction n'est possible qu'entre homme et femme), sont intrinsèquement liés. Je ne vois pas bien où est l'homophobie par contre... Tout ce qu'on dit ici, et je ne sais pas quel homosexuel le nierait, c'est que seule la relation hétérosexuelle permet la reproduction. C'est en effet pour permettre cette reproduction que l'évolution a débouché sur le dimorphisme sexuel. Donc c'est pour ça que les hommes et les femmes ont des morphologies différentes. Mais je ne vois pas le rapport avec les sentiments qu'on peut éprouver pour autrui quel que soit son sexe et le nôtre.
    Sinon comment comprendre les différences mâles / femelles dans les autres espèces ? L'humanité ne fait pas exception. Si les catégories mâle / femelle sont pertinentes pour les autres espèces animales (= se rapporte à des différences objectives et qualitatives), pourquoi pas pour les humains ?

    Là il n'est question que de genre, ça ne remet pas en cause la pertinence des sexes.
    Quoi que les frontières entre homme et femme ne soient pas complètement imperméable et qu'il existe notamment des personnes intersexes.

    J'avoue que je ne vois toujours pas pourquoi. Enfin si, je vois si tu considères que le sexe n'a rien d'objectif, mais comme je pense que c'est faux je ne peux pas être d'accord.
    Par rapport à ce que tu dis sur les femmes prolos, femmes bourges, femmes blanches, femmes noires, ça n'a aucun rapport. Ni la couleur de peau, ni la condition sociale n'interviennent dans la définition du sexe. En revanche, le fait d'avoir un pénis, des testicules, une prostate, un utérus, un vagin, et les phénomènes physiologiques associés ça participe à la définition du sexe.

    Si ça n'existe pas alors un homme ne peut pas devenir une femme. Là je vois pas pourquoi tu dis ça, ça me semble contradictoire avec le reste de ton propos.
     
  35. ribouldingue
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    ribouldingue Membre du forum Compte fermé

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  36. libertaire, autonome
    Pas sûr du tout que "l'identité individuelle" soit née avec le libéralisme. Quelles sont tes sources ?

    Pas convaincu non plus que "le genre est une inventions des capitalistes". Le genre existait dans les "sociétés primitives". Le mot n'existait peut-être pas, mais le fait ou le système idéologique/politique existait. A l'orée de la civilisation aussi donc avant le capitalisme.

    Sinon, une question : comment se fait-il qu'on se revendique d'un genre alors que cette catégorie découle d'un système oppressif ? Une autre qui en découle : comment en finir avec ce système si on se revendique des catégories qu'il impose ?
     
  37. ninaa
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    ninaa Membre du forum Expulsé du forum

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  38. anarchiste, anarcho-féministe, individualiste
    Je suis plutôt d'accord avec ça: on ne devrait pas être définis par son genre pour pouvoir choisir son mode de vie, ses préférences, etc.
    Par ailleurs, pourquoi faudrait-il être officiellement considéré comme "femme" pour avoir le droit de porter des jupes, du maquillage, etc.?
    Je crois moi aussi que beaucoup de règles sociales en particulier vestimentaires sont absurdes et arbitraires. Un autre exemple: pourquoi se moquer d'une femme qui se ressent elle même comme une enfant? Pourquoi c'est impossible passé vingt ans de mettre des couettes et des jupettes sans se faire foutre de sa gueule?
    Pourquoi en monokini sur la plage c'est normal mais dans le métro c'est scandaleux?
    Pourquoi on est moqué si on porte la mode de l'année dernière? Et d'ailleurs c'est quoi ces histoires de "modes", à part un moyen d'obliger les gens à jeter des habits en bon état pour en acheter de nouveaux plusieurs fois par an? Même si on aime se déguiser, enfin changer souvent de look, on pourrait échanger ses habits avec d'autres personnes par exemple. Je crois qu'il faudrait refuser tous ces diktats.
     
  39. cyberpxte
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    cyberpxte Membre du forum

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    Jan 2021
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  40. anarcho-communiste, anarcho-féministe, situationniste
    Beaucoup de choses ici.
    Je suis désolé de rentrer dans le jeu du name dropping, des arguments d'autorité, mais visiblement quand on discute ici on me rétorque qu'on "n'est pas convaincu" (ah parce qu'il s'agissait simplement d'une question d'opinion?), d'où sont mes sources (la question n'est donc que scientifique?) alors qu'il s'agit avant tout d'un débat politique.

    @ribouldingue@ribouldingue :
    Vu qu'il faut des arguments d'autorité, et définir ce qu'est l'individu:
    (4) L’émergence de l’individu : un mythe fondateur
    Bernard Lahire, Dans les plis singuliers du social: Individus, institutions, socialisations
    Christian Arnsperger, L'individu aujourd'hui: Débats sociologiques et contrepoints philosophiques.

    Une grande partie des textes de Michel Foucault.

    Mais outre les références scientifiques, il suffit simplement de parler une langue non-occidentale pour se rendre compte que des termes comme "individu" (mais aussi "droit", "liberté" etc) sont souvent des néologismes faits vers le XIXe pour traduire ces concepts occidentaux. En bref, "l'individu" ça ne va pas de soi.
    Bon bah pour le genre c'est + compliqué (car c'est antérieur) mais c'est à peu près la même idée.

    En ce qui concerne les fameuses "sociétés primitives" (qui en réalité résulte d'une vision évolutionniste, parce que quand on parle de "société primitive" on parle avant tout des sociétés observées par les anthropologues blancs à partir du XIXe... qui seraient forcément le reflet de nos propres sociétés il y a des siècles-_-), étant donné que "le genre" est une construction occidentale évidemment que ça n'existait pas ailleurs. Ce n'est pas parce qu'il y a eu "des femmes et des hommes" (tels qu'interprété et relaté par les anthropologues blancs) que le terme "genre" peut s'appliquer d'ailleurs.
    En revanche en s'intéressant aux travaux des féministes matérialistes, on se rend compte que le genre est une invention capitaliste utile pour créer une distinction public/privé, production/reproduction.

    Il faut que tu lises Foucault, Halperin et toute la littérature scientifique et militante gay & lesbienne sur le sujet si tu poses cette question, élémentaire dans nos luttes LGBT+. C'est toute l'idée de la "subjectivation" et de la "résistance".

    @Anarchie 13@Anarchie 13 :
    Visiblement, on ne lit pas les mêmes auteurs, on ne part pas de la même épistémologie (les savoirs par lesquels on réfléchit ne partent pas des mêmes points de vue), donc évidemment que nos visions seront irréconciliables.
    Y a ce texte qui parle d'épistémologie queer si ça t'intéresse.
    Le nouveau conflit des facultés : biopouvoir, sociologie et queer s...
    (en lisant ton post, je précise par contre que je parlais de réalité matérielle humaine*; l'oxygène, les molécules etc comme tu disais, ça ne m'intéresse pas, c'est un peu hors sujet avec "le sexe" pour moi. Si tu insistes pour des explications presque strictement biologiques du sexe, je t'ai déjà donné des noms de biologistes queer qui remettent en question tes présupposés).

    C'est faux, notamment pour la race. Affirmer ça c'est méconnaître l'histoire du sexe/genre historiquement.
    Le sexe/genre est avant tout une histoire coloniale.
    Gail Bederman, Manliness and Civilization: A Cultural History of Gender and Race in the United States, 1880-1917.
    Siobhan B. Somerville. Queering the Color Line: Race and the Invention of Homosexuality in American Culture.
    Kyla Schuller, The Biopolitics of Feeling: Race, Sex, and Science in the Nineteenth Century.


    Je pense qu'il y a méprise là. Pour toi dire "y a pas de changement de sexe" revient à dire "je suis né homme et je resterai homme tout au long de ma vie, je n'y peux rien" et donc tu y vois une contradiction avec le reste de mon discours. Or je (ou plutôt nous les queers) ne pars pas du principe que "je suis né homme", on ne prend pas la différence sexuelle comme point de départ. De 2, c'est surtout l'expression "changement de sexe" qui n'est plus utilisée aujourd'hui parce qu'on dirait que l'on prend un sexe (anatomique?), on le déboite, on en met un autre à la place (d'où l'idée du "playmobil") or une transition c'est sur le long terme, avec plusieurs technologies différentes pas forcément en lien entre elles, et il n'y a pas de parcours de transition pré-établi qui mènerait "d'un sexe à un autre" (vu que ce schéma binaire on le critique), il n'y a pas forcément de point d'arrivée, de fin dans une transition.

    @ninaa@ninaa :
    Là tu réduis la question trans et queer à une question purement cosmétique, il s'agirait juste de maquillage, de vêtements, de "diktats", pire encore de "modes". Or ce n'est pas ça qui est en jeu. Evidemment fuck les normes, on est toustes d'accord.
    Ne le prend pas personnellement, car c'est un discours qui revient souvent (et donc je ne t'en veux pas) mais remettre le poids des normes sur le dos des personnes trans ("c'est vous qui renforcez les stéréotypes de genre!!!") c'est assez indécent.
    Je pense que ça part notamment d'une méconnaissance de l'expérience queer au quotidien. C'est bien de déclarer "on n'a pas besoin d'être une femme pour porter une jupe", t'inquiète pas les pédés, les folles, les butchs, travesti·es, trans qui n'ont pas de cispassing et autres queers reçoivent suffisamment de violence quotidiennement pour savoir ce que ça représente, d'y déroger aux normes de genre, que ce soit dans l'espace public, au travail, dans les institutions, en famille... partout.
    En bref, on est toustes contre les normes, quelles soient de genre ou autre.
    Par contre la norme du sexe, visiblement on peut avoir des tas d'études qui la remettent en cause, on peut être sûr de voir pointer des défenseurs autoproclamés qui débarquent pour protéger leur trésor national de la différence sexuelle.

    C'est vraiment dommage qu'il n'y ait pas de personne concernée sur le forum qui s'exprime sur le sujet; parce que là on en vient à débattre d'identités abstraites, de l'idée de genre etc (en oubliant qu'il s'agit d'individus) alors que les discours transphobes ont des conséquences concrètes sur les existences des personnes trans.
    C'est un privilège que de pouvoir débattre de manière froide et posée sur la valeur et la validité de certaines existences.
     
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